La Rue

Une des naissances possibles de Mr Panda : La Rue

Fou comme l’homme

qui peut marcher, de pays en villes, de villes en rues, de rues en rue et ce, jusqu’à trouver l’endroit propice, à quoi ? Je vais vous le dire, en voici un exemple.

C’t au crois’ment d’la rue X et d’boul’vard Y, un lampadaire éclaire l’boul’vard laissant la ruelle dans une pénomb’ dégueulasse.

C’t ici qu’il cherche l’repos, pose sa bombe, propose sa trouvaille.

Tapi dans l’ombre, not’ homme s’met au travail, sur c’tapis d’ombre, not’ homme n’s’aime plus, alors d’jà, il récolte (certains pourraient même rire qu’il déguste).

Il ne sait pas vraiment quelle position adopter, il ne sait vraiment pas si l’adoption serait une position plus confortable, vraiment il ne sait pas, au mieux il s’est assis. Puis c’est tout naturellement qu’il s’allonge, avec un sentiment d’immobilité au milieu d’une foule absente qui s’agite toujours plus, cherche un instant l’inspiration, un souffle un souffle un souffle. Trouve en l’instant d’une inspiration, le souffle le souffle le souffle. Il voit le vent, sent sa direction, sans aucun sens pour certains, pour sûr cent de ces secondes valent bien une vie entière. Le soulagement peut commencer, la création comme expulsion, il en a tant parlé, ils se sont tellement nourris mutuellement à s’en provoquer nausées et dégeulades.

Il se lève difficilement, plombé par ce poids devenant trop lourd, et faisant face à ce mur crépi d’inutile, saisit un feutre comme courage à deux mains, esquisse le rectangle assez vague d’une espèce de page blanche (comment pouvait il la remplir …) puis deux puis trois. Et l’espace d’une fissure, le souvenir du triangle amoureux lui revient en pleine gueule, (comment a t-elle pu lui faire ça ?) puis deux puis trois qui finalement lui passent au dessus de la tête, il ne saurait dire s’il est réellement au creux de cette vague que l’on nomme désespoir tant l’envie le pousse à continuer, à moins que par envie il faille au fond parler de besoin… Le voilà donc saisissant de suspension, desserrant lentement ses points, d’abord un, puis, deux, puis, trois. Comment ça, trois ? Il faut maintenant réparer l’erreur, car elle est encore humaine, enfin presque. Mais passons, l’instant n’est plus à la suspension, encore moins à l’interrogation, elle est à l’exclamation dont l’écho résonne bientôt dans cette ruelle, dans cette ville, dans ce pays. D’autant qu’il n’a qu’une parole (comment l’oublier !) pas deux pas trois, une seule mais quelle parole ! La voix là qui se hisse à hauteur de lettres, de romans, de bonnes blagues, la voie là sûre de bons rails, la voilà qui tient debout, enfin, elle qui se dresse mais ne se laisse pas, dompter. Et l’apparition de plaies comme deux rien, antre de cils encore vides comme dieux merci, entre des contours d’yeux s’il vous plaît, comme l’apparition d’un regard. Enfin, rien que de le dire est comme une délivrance, il ne reste plus qu’à faire péter cette bombe rouge sang, ça y est, c’est dit.

On s’était fait passé le mot, le bouche à oreille fonctionnait bien dit-on, le bouche à bouche encore mieux, chaque nuit à l’écart des lampadaires. De cette manière, ils se reproduisaient, à la verticale, toujours plus nombreux, plus précis, plus haut car les reproducteurs étaient toujours plus nombreux, plus précis, plus fous. De véritables acrobates qui pouvaient atteindre le soi disant inaccessible, point de mystère ou de non retour ; de véritables funambules d’eux mêmes croyez moi, il fallait les voir, se contorsionner, danser là où les chats de gouttière trébuchent, rire au nez de si petits défenseurs d’un l’ordre trop bien établis, tellement petits, vus d’en haut. De plus, ils s’étaient organisés en une sorte de gang dont les rangs grossissaient de jour en jours ou pour être plus exact, de nocturne en nocturne, de telle sorte que le nombre de ceux qui pensaient bien dépassait celui des bien pensants et aucune prison, aucun asile, d’aucune sorte n’aurait pu contenir cette rage libertaire ou chacuns trouvaient leur place, prenaient des formes aussi diverses que variées conscients que la beauté est dans la différence ; et qu’en parlant de ces variations, si certains s’éternisent à pointer du doigt ce qui les sépare, eux, comprennent en l’instant ce qui les rassemblent.

Le manque d’amour,

l’amour décapité,

l’amour volatile,

l’amour enterré,

l’amour caché,

l’amour brûlant,

l’amour de l’amour

… se manifestèrent les premiers, au hasard et à la vue de tous et si certains d’entre eux furent assez rapidement recouverts de haine, de crépis, ou pire, de publicité, ils reprenaient tout aussi rapidement

le dessus.

On peut même le dire, hier un jeune fou sortit de boîte, vomit sur l’amour naissant, aujourd’hui il pisse sur l’amour grandissant, demain il chiera sur l’amour consommé, enfin il oubliera de rentrer dans la boîte et s’endormira tout contre l’amour consumé. Et c’est peut être de là que naquit l’espoir, je veux dire que l’amour vit le jour, je veux dire que Mr Panda prit vie car voyez-vous, la ville est maintenant pleine de panda, peints à la bombe, tapisseries d’ombre sur des murs d’ hôpitaux, de bistrots, d’écoles qui transpirent de panda saignants, coulants à flot, en devenir.

C’était donc au croisement de la rue X et du boulevard Y, un lampadaire éclairait donc le boulevard laissant la ruelle dans une pénombre dégueulasse, un panda patientait donc, là. Toujours attaché à son créateur, dépendant de sa force. Il observait d’un regard étonnement vide, face à lui, silhouettes de vagabondes et d’homme leur courant après, portées sur une façade au relief de toile de lin. Ce petit théâtre d’ombres s’activait d’insouciance;et puisque personne n’empruntait jamais la rue X, personne ne voyait jamais ce pandàl’origine de tout cette histoire. Pour être plus précis, disons que s’il avait été sur la façade, il aurait été tout à fait immergé , n’aurait pas eu pied, à la limite de la noyade, baignant dans une ampoule 500 Watts, mais brûlé pas encore vif par un éclairage tout à fait disproportionné, superflu, inutile comme un néon de grande surface au beau milieu de la nuit. A vouloir attirer notre regard à force de couleur toujours plus fluorescentes, ils finiront par le faire fuir alors il se portera tout naturellement sur le modeste qu’il suffit d’éclairer à la bougie, sur ces choses que le calme de la nuit permet enfin de reconnaître. Le seule prétention ici est de rendre au nocturne ce qui lui appartient, pour chaque panneau publicitaire désamorcé, c’est une étoile qui se redécouvre à nous. Mais en attendant le jour du ciel plein, débarrassé de ses nuages déshydratés et de noir teintés faisons avec ce que nous possédons, traçons nos lignes à l’ombre des boulevards, ou person ne va, prendre vie, Mr Panda.

Pour l’heure, l’évasion commence ici, puisque il faut bien commencer quelque part

Pour le reste, on verra plus tard,

Du reste, il y aura tout, à refaire, à repeindre mais ça c’est une autre histoire,

Au pied de ce mur, le temps n’est plus

Contre ce mur, il est temps de le faire

Sur ce mur, à peine le temps de le dire

Mr Panda fait le mur.

Prendre les dernières forces un homme qui n’en a plus pour lui, couper le cordon quitte à dormir sous un pont, achever sa libération, sa délivrance.

Ses yeux se mettent à bouger, en tous sens, ils se dirigent le temps d’un regard vers cette réalité amère

vers cette trouille du passé où tout est mensonge que l’on s’intime

vers ce bénéfice de l’instant présent où tout n’est que jouissance de l’autre

vers cette promesse inévitable de regret où tout est saccage d’une mémoire en devenir

Ses yeux se mettent à chercher, en quête de sens, ils se dirigent le temps d’un regard vers cette réalité floue

qui déjà laisserait oublier ?

qui donnerait toujours à profiter ?

Qui oserait encore espérer ?

Ses yeux se mettent à trouver, en un sens, ils dirigent le temps d’un regard cette réalité simple

d’un passé honteux à perpétuité vers l’acceptation

d’un présent qui ne se retient pas vers

d’un avenir confiant, libre de barbelés vers l’évasion

Le temps d’un regard seulement car une fraction de seconde a suffit, pas vu pas prit, Mr Panda s’anime, seul, d’une intention qui lui est propre, il paraîtrait que sa première parole est

Tout ce que je sais est que je ne sais rien

tout reste donc à apprendre à l’ombre des boulevards, il s’agit quelque part de faire la lumière, il s’agite mais ne se disperse pas, il fait un mur de lumière. Son spectre hantera toujours notre homme et ceux qui l’on côtoyé, maintenant qu’il est vivant.